Le mystère de l’Ascension nous invite à nous préoccuper des réalités d’en haut, à fixer nos yeux sur notre patrie véritable : le Ciel. Mais qu’est-ce que le Ciel, où Jésus s’élève le jour de l’Ascension ?
Le monde céleste n’est pas seulement un espace différent par nature du nôtre, ici-bas. Il représente surtout une nouvelle façon d’exister : vivre avec la Trinité. C’est Jésus qui « inaugure » le Ciel pour la nature humaine, en s’élevant du mont des Oliviers vers son Père, quarante jours après Pâques.
Avant son Ascension, le Ciel n’existait pas pour nous. Faisant entrer la nature humaine dans la Vie divine en ce Jour, le Christ nous y réserve une place, ainsi qu’il l’a assuré à ses disciples : « Je vais vous préparer une place » (Jn 14,2). Le Ciel consiste en effet à passer l’éternité en sa compagnie, comme il l’a promis au bon larron : « Aujourd’hui tu seras avec moi au paradis ». Jésus nous a-t-il abandonnés ?
Après l’Ascension, Jésus ne nous est plus présent charnellement. À l’instar des apôtres, nous devons accepter cette absence corporelle afin de le suivre dans son élan vers Dieu, à nous approprier son désir de monter vers son Père et notre Père, son Dieu et notre Dieu. Comme cet élan vers le Père s’opère maintenant pour nous en l’absence sensible de Jésus, il est tout spirituel. Mais nous ne montons pas vers le Père sans Jésus, mais avec lui. Après son départ, le Fils vivra en effet en nous afin que son élan vers Dieu devienne le nôtre. Durant les quarante jours des apparitions post-pascales, qui courent du dimanche de Pâques jusqu’au jour de l’Ascension, Jésus est resté encore extérieur à ses disciples. Il était proche d’eux, face à eux, en un face à face incarné, très concret. Cependant, il ne vivait pas encore en eux. Pourtant, saint Paul nous dit qu’il est rendu « esprit vivifiant » par sa résurrection. Comment comprendre cette expression ? Un esprit peut-il rester extérieur à ceux auxquels il est censé donner la vie ? Est-il en mesure d’agir à distance ? Ne doit-il pas au contraire opérer de l’intérieur même des personnes qu’il sanctifie, de telle sorte que cette sanctification soit à la fois l’œuvre de Dieu et celle de l’homme ?
Le Christ intérieur : Comment Jésus devient-il alors intérieur à ses disciples ? Ce sera là l’œuvre de l’Esprit-Saint qui, prenant le relais de Jésus après ses apparitions sensibles d’après Pâques (sensibles parce que ses disciples sont encore en mesure, jusqu’à l’Ascension, de le voir avec leurs yeux de chair, de le toucher avec les mains, de manger avec lui), intériorisera le Christ en eux à Pentecôte. En effet, Jésus avait fait de son départ pour la maison du Père la condition de l’envoi du second Paraclet, l’Esprit-Saint : « Il vaut mieux pour vous que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai » (Jean 16,7).
Voilà pourquoi ces mêmes disciples sont sevrés d’apparitions à partir de la montée au Ciel de leur Maître. Désormais, le Christ ne sera plus extérieur à eux, mais vivra en eux. Telle est la raison d’être de l’Ascension dans l’économie du salut. Avec la fin des apparitions d’après Pâques débute l’intériorisation du Christ en nous.
Jean-Michel Castaing