Dans le triduum Pascal le samedi Saint passe inaperçu, même des chrétiens. L’attention est accaparée par la préparation de Pâques et pour beaucoup, c’est déjà Pâques. Or le Samedi saint est un jour majeur . Il n’y a pas de célébration eucharistique, sauf la communion en viatique aux mourants ; c’’est une journée de silence. Jésus vraiment mort est au tombeau. Avec la Vierge Marie, la Femme du Samedi Saint, l’Eglise attend.
Avec tristesse. Non la tristesse du monde vide de Dieu, mais celle de l’amour, illuminée déjà d’une joie mystérieuse. Car le tombeau ne reçoit pas le Christ mort pour le garder. Dans l’œuvre du salut, la présence de Jésus au tombeau n’est pas un temps vide. Il « est descendu aux enfers » dit le symbole des apôtres. Il est allé rejoindre les morts prisonniers du séjour où les morts n ‘ont qu’une ombre de vie, où l’on ne loue et prie plus Dieu. Il est descendu au plus profond de la mort humaine, dans le shéol où Dieu est absent. Devenu « péché » et « malédiction » pour nous (2Co5,21. Ga 3,13) , il a voulu descendre dans l’abîme de la mort pour apporter la présence de Dieu en ce qui est la séparation d’avec Dieu. Il a connu l’extrême désolation préfigurée par le prophète Jérémie, le Serviteur souffrant d’Isaïe, le pauvre homme Job, pour révéler le « jusqu’au bout » de son amour et nous assurer qu’il n’est aucune situation où Dieu ne soit pas, car dans ce qui apparait l’absence de Dieu il est Emmanuel, « Dieu avec nous ».
Il a porté jusqu’au fond le plus ténébreux de la misère humaine sa présence de Fils, donc la présence du Père et de l’Esprit-Saint , de telle sorte que tout homme, si bas qu’il soit, peut rencontrer Dieu, en ressortir avec lui, revenir à la lumière, à la vie, à l’espérance, à l’amour. Ce faisant, il a apporté la Bonne Nouvelle du salut aux prisonniers de la mort, à commencer par Adam et Eve. Il a porté la vie au cœur de la mort, d’où il va ressusciter à la vie nouvelle de Dieu (1P3,19-20).
La vie de la Résurrection va éclater au sein de la mort. De la mort du péché que le Fils a prise, la miséricorde du Père fait jaillir la vie, la vie nouvelle, la vie qui ne connaît plus la mort. La résurrection n’est pas à côté de la mort. Elle est la mort transfiguré en vie par la puissance du Père miséricordieux. Il n’y a plus de situation où la mort soit victorieuse de la vie. « la mort a été engloutie dans la victoire . Ô Mort où est ta victoire ? Ô Mort, où est ton dard venimeux ? » (1Co 15,54-55). Le samedi Saint fait vraiment partie du Triduum Pascal. L’oublier nous empêche de pénétrer intégralement dans le Mystère de la mort et de la résurrection du Christ, donc de connaître le plus pleinement qu’il est possible le Christ sauveur, et de nous laisser envahir par le Mystère du Christ mort et ressuscité.
Mgr Raymond Bouchex